L'obligation de sécurité et de moyens incombant à la commune exploitante d'une station de ski
Auteur : ROGER Philippe
Publié le :
18/09/2013
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L'exploitant d'un domaine skiable est tenu à l'égard des skieurs à une obligation de sécurité et de moyens qui l'oblige à prévenir les usagers des pistes des dangers présentant un caractère anormal ou excessif.
A- Rappel du principeDans son Arrêt du 3 juillet 2013, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation rappelle que l'exploitant d'un domaine skiable est tenu à l'égard des skieurs à une obligation de sécurité et de moyens qui l'oblige à prévenir les usagers des pistes des dangers présentant un caractère anormal ou excessif (1).
Cette obligation de sécurité de moyens et non pas de résultat s'explique parfaitement, compte-tenu du rôle actif du skieur et du risque inhérent à cette pratique sportive. Dès lors, la charge de la preuve de la faute de l'exploitant ou de ses manquements à son obligation contractuelle incombe à la victime.
Le principe étant énoncé, l'on perçoit manifestement que cette obligation de moyens s'apprécie très concrètement et en fonction des circonstances propres à chaque accident.
B - Une application rigoureuse du principe par la Cour de CassationEn l'espèce, Madame B. avait été victime d'un accident de ski sur une piste du domaine skiable de la commune de FONTROMEU.
Après avoir dérapé sur une plaque de verglas, la victime avait quitté la piste et heurté un rocher.
Mais, comme bien souvent, la lecture de l'Arrêt de la Cour d'Appel est bien plus éclairante que ce que laissent entrevoir les juges de la Haute Assemblée.
A cet égard, la lecture de l'Arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier contre lequel la commune de FONTROMEU avait formé un pourvoi en cassation nous renseigne plus précisément sur les circonstances de l'accident (2).
En l'espèce, la skieuse évoluait sur une piste verte, avant de perdre l'équilibre sur une portion verglacée de la dite piste.
La présence de cette plaque verglacée, selon la Cour d'Appel, constituait dans les circonstances de l'espèce, un risque tout particulier à raison de son emplacement dans la portion réduite, bordée à sa droite par le "half-pipe" mais à sa gauche par des arbres et des rochers, ces derniers étant plus ou moins dissimulés par la végétation.
Elle ajoute qu'au passage de cette plaque, la probabilité de survenance de chutes de la part de skieurs, même d'un niveau moyen, dans l'incapacité de pouvoir contrôler leur trajectoire et avec la quasi-certitude de terminer leur course en dehors de la piste et donc, contre un arbre voire un rocher, était objectivement non négligeable et a, en tout état de cause, été fortement sous-estimée par l'exploitant qui aurait dû, soit interdire le passage sur cette portion, soit prévenir et baliser la présence de cette plaque de verglas, soit poser des filets de protection le long de la zone boisée et parsemée de rochers situés en bordure de piste, précisément à raison du danger réel et anormal que présentait ladite plaque.
Au total, la Cour de Cassation reconnaît la violation de l'obligation de moyens par la commune et rejette son pourvoi.
Cette décision n'est pourtant qu'un quasi épilogue.
C - Le quasi épilogue d'un long contentieuxCette décision intervient près de 16 ans après l'accident intervenu le 30 décembre 1997 et à la suite d'un marathon judiciaire dans un contexte particulièrement lourd puisque la victime a présenté à l'issue de cet accident, une tétraplégie sensitivomotrice aux conséquences humaines et financières considérables.
Pour autant, les justiciables ne sont pas au bout de leur peine, après avoir enduré les procédures suivantes sur lesquelles nous ne reviendrons pas dans le détail :
- Arrêt du 14 septembre 2000 de la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Montpellier confirmant le non-lieu prononcé par le Magistrat instructeur dans le cadre de l'information ouverte contre "x" du chef de blessures involontaires ;
- Jugement du Tribunal Administratif de Montpellier du 6 mai 2002 écartant toute faute de la commune dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- Arrêt du 6 février 2006 de la Cour Administrative d'Appel de Marseille confirmant le Jugement du Tribunal Administratif de Montpellier ;
- Arrêt du 19 février 2009 du Conseil d'Etat rejetant le recours formé par la victime et ses parents contre l'Arrêt de la Cour Administrative d'Appel. Cet arrêt est particulièrement intéressant sur le plan des principes juridictionnels puisqu'il pose la règle selon laquelle seul le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur la responsabilité de la commune du fait de l'exercice de ses pouvoirs d'organisation du service public industriel et commercial que constitue l'exploitation des pistes de ski (3);
- Jugement du 12 avril 2011 du Tribunal de Grande Instance de Perpignan déboutant Mademoiselle B. et les consorts B. ;
- Arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier du 21 décembre 2011 réformant le jugement du 12 avril 2011 et allouant à Mademoiselle B. une provision de 800.000 € et ordonnant une expertise médicale ;
- Arrêt de la Cour de Cassation du 3 juillet 2013 confirmant l'Arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier.
Index:
(1) Civ. 1ère, 3 juillet 2013, n° 12-14216.
(2) Cour d'Appel de Montpellier, 1ère Chambre Section B, 21 décembre 2011, n° 11/02934.
(3) Conseil d'État, 19 février 2009, n° 293020 - cf. article de Maître Sandrine FIAT publié le 2 février 2010 sur le site EUROJURIS FRANCE.
Cet article n'engage que son auteur.
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