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La responsabilité pénale du médecin

La responsabilité pénale du médecin

Auteur : ROGER Philippe
Publié le : 03/07/2012 03 juillet juil. 07 2012

Synthèse de l'intervention de Philippe ROGER lors des tables rondes du colloque sur la responsabilité pénale du médecin.

Les sources de la responsabilité pénale du médecinQuestion : Comment expliquer l'accroissement des litiges en matière de responsabilité médicale ?

Réponse :

En matière de responsabilité médicale notamment, il convient de distinguer les champs pénal et civil, la peine et la réparation pécuniaire.

Certes, le juge pénal peut se prononcer sur les demandes civiles des parties civiles, victimes d'un acte médical, parallèlement aux peines qu'il peut éventuellement infliger.

Il peut donc d'une part allouer des dommages-intérêts au patient pour indemniser les différents postes de préjudice et d'autre part condamner le professionnel de santé à une sanction pénale.

Il peut même relaxer ou acquitter le praticien prévenu ou accusé tout en retenant une faute civile susceptible d'entraîner une réparation pécuniaire, la loi Fauchon (1,2) ayant mis un terme au principe de l'unicité des fautes civiles et pénales, notion parfois difficile à appréhender pour les justiciables.

Cependant, la voie contentieuse empruntée par la victime d'un acte médical n'est pas neutre. La voie pénale, d'un point de vue symbolique et compte tenu des conséquences infamantes qu'elle entraîne pour le praticien, correspond à un besoin de vengeance exprimé par le patient et/ou ses ayants droit. La voie civile quant à elle manifeste le simple besoin de justice de la part du justiciable.

On peut néanmoins dégager une cause commune à cet accroissement des plaintes qui ressort des affaires dont sont saisis les praticiens du droit. Le plus souvent, le procès en responsabilité médicale, civile et/ou pénale résulte d'un défaut de communication entre le professionnel de santé et le patient. Le sentiment qui se dégage de ces affaires est qu'une communication de qualité entre les acteurs est de nature à limiter les procédures traumatisantes tant pour les patients que pour les médecins de par la durée du contentieux qui fige les acteurs au temps de l'acte médical délétère.

Pour autant, il n'est pas aisé de dégager des statistiques fiables par rapport à l'accroissement supposé des litiges en la matière. Parmi les millions d'actes effectués chaque année, ceux donnant lieu à réclamation connaissent le plus souvent une issue amiable par le canal des assurances de responsabilité civile professionnelle, avec parallèlement le développement des procédures non contentieuse devant les C.R.C.I (3). La majeure partie du contentieux est ensuite de nature civile et bien que les procès pénaux impliquant des médecins aient un écho retentissant dans la presse, ils ne représentent qu'une très faible part du contentieux.

Enfin, le procès en responsabilité médicale qu'il soit civil ou pénal est également lié au très haut degré d'exigence des justiciables à l'égard d'une médecine aux progrès fulgurants. Elle ne saurait donc nuire et l'échec médical est alors ressenti comme une anomalie nécessairement imputable au praticien qui n'est plus "quelqu'un qui verse des drogues qu'il connaît peu dans un corps qu'il connaît encore moins" (4).



Question : L'attitude du médecin par rapport aux autorités de police et judiciaires en matière de secret médical.

Réponse :

Le secret médical est au cœur du serment d'Hippocrate Il est consacré par le Code de déontologie médicale intégré au Code de la santé publique en son article R. 4127-4 qui dispose :
"Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris
".

Le médecin doit donc toujours avoir à l'esprit cette impérieuse nécessité d'observer le secret pour protéger le patient. C'est le gage de la confiance du patient envers le médecin. Il en va de l'intérêt du patient lui-même, mais c'est également une question de santé publique. Le secret est en effet de nature à favoriser le recours à la prévention et aux soins par des patients assurés de la confidentialité de leurs échanges.
C'est non seulement un principe essentiel de la déontologie médicale mais également une obligation pénalement sanctionnée à travers la notion plus large de secret professionnel dont le secret médical est une composante (5).

La figurine des trois "singes de la sagesse" se couvrant les yeux, les oreilles et la bouche illustre parfaitement cette notion du secret médical (ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire).

Il arrive néanmoins que le secret médical entre en contradiction avec d'autres impératifs et notamment ceux des officiers de police judiciaire et des magistrats instructeurs qui, dans le cadre de leurs missions, sont chargés de faire la lumière et de lever le voile sur des faits dont peuvent avoir à connaître le médecin dans le cadre du colloque singulier avec le patient.

Le médecin n'étant pas un "agent de renseignement", il doit s'en tenir au secret, faute de quoi il encourrait les foudres pénales et ordinales. Certes le législateur a prévu quelques exceptions dans lesquelles le secret pourra être levé (6).

Au demeurant, nous ne saurions que trop conseiller au médecin de déférer aux convocations des autorités de police et judiciaires pour simplement rappeler leurs obligations déontologiques et légales et s'en tenir au mutisme protecteur des intérêts de leurs patients, sauf dans les cas où la loi autorise la révélation du secret.

En effet, l'expérience démontre que les meilleures intentions peuvent déboucher sur des situations extrêmement préjudiciables. Il est patent que dans le cadre d'une audition, le médecin n'est pas le mieux armé pour préserver le secret, face à des professionnels dont l'objectif est de faire émerger la vérité. Le silence est sans nul doute le meilleur bouclier.

Cela avait manifestement échappé à un médecin imprudent. Interrogé au téléphone par un gendarme enquêteur, au sujet d'un de ses patients érotomaniaque qui avait harcelé une jeune femme, ce praticien avait révélé que le patient était perturbé psychologiquement. La déclaration ayant été consignée dans le procès-verbal, le patient poursuivi pour ces faits avait pu en prendre connaissance, ce qui l'avait amené à porter plainte contre son médecin pour violation du secret médical, lequel a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel.





La mise en oeuvre de la responsabilité pénale du médecin
Question : Le siège de la responsabilité pénale du praticien hospitalier : l'introuvable faute détachable du service public hospitalier.

Réponse :

Les praticiens hospitaliers, en leur qualité d'agents publics, sont susceptibles d'engager la responsabilité pécuniaire des établissements hospitaliers.

Seule la faute personnelle détachable du service public hospitalier est susceptible d'engager la responsabilité de l'agent devant les juridictions judiciaires.

Il doit s'agir d'une faute d'une inexcusable gravité.

Rarement retenue par la jurisprudence, la faute détachable, telle qu'elle ressort des illustrations jurisprudentielles, recoupe des cas de responsabilité pénale, même si la faute personnelle est indépendante de la faute pénale et de la faute disciplinaire, une même faute pouvant malgré tout revêtir ces trois qualifications.

On peut citer notamment deux affaires emblématiques :
 
  • Fuite d'un obstétricien à la suite d'un incendie, alors que la patiente est attachée à la table de travail (Cass. Crim. 2 octobre 1958, Bull. crim. 1958 N° 596, p. 1052)
  • Praticien de garde qui refuse de se déplacer pour donner les soins nécessaires à un patient, malgré l'alerte donnée par le personnel de garde de la gravité de l'état du malade (Cass. Crim. 25 mai 1982, n° 80-95056)


Question : L'articulation des sanctions pénales, civiles et disciplinaires du praticien hospitalier

Tout praticien peut faire l'objet pour un même fait cumulativement ou alternativement de sanctions pénales, civiles et disciplinaires.

Cependant, malgré le statut protecteur des praticiens exerçant au sein des établissements de santé publics dont la faute personnelle détachable du service public hospitalier est rarement retenue, il importe de signaler que la poursuite disciplinaire à leur endroit peut être à "double détente".

En effet, ils peuvent être poursuivis devant la chambre disciplinaire du Conseil régional de l'ordre des médecins.

En outre, en leur qualité d'agent public, ils sont passibles de sanctions disciplinaires par l'organe disciplinaire de l'établissement auquel ils sont rattachés.

L'organe disciplinaire varie en fonction du statut spécifique du praticien au sein de l'institution. Pour les praticiens hospitaliers temps plein et temps partiel, par exemple, l'avertissement et le blâme peuvent être prononcé par le directeur général du Centre national de gestion, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (A.R.S.), du directeur d'établissement et de la commission médicale d'établissement siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires ; les autres sanctions étant prononcées par décision motivée du directeur général du Centre national de gestion après avis du conseil de discipline. En revanche, pour les attachés, les sanctions sont prononcées par le directeur de l'établissement après avis de la commission médicale d'établissement.

Cette situation peut d'ailleurs être transposée aux praticiens salariés d'établissements privés, comme souligné par Monsieur le Professeur Olivier Décima.

Pour finir, on peut évoquer le statut particulier des médecins appartenant aux cadres actifs du service de santé des armées ainsi que celui des médecins qui, ayant la qualité de fonctionnaire de l'Etat ou d'agent titulaire d'une collectivité locale ne sont pas appelés, dans l'exercice de leurs fonctions, à exercer la médecine.

En effet, l'inscription au tableau de l'ordre ne s'applique pas à eux (7), même si rien ne s'oppose à leur inscription en vue de l'exercice d'activités médicales hors exercice de ces fonctions (8).

Cette situation n'a d'ailleurs pas été modifiée par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, pour répondre à Monsieur le Professeur Jean-Claude Baste.

Par conséquent, il y a lieu de considérer qu'ils ne relèvent pas disciplinairement de la chambre disciplinaire du Conseil régional de l'ordre des médecins, dès lors qu'ils n'y sont pas inscrits.


Index:
(1) La responsabilité pénale du médecin, dans le cadre du Cycle de séminaires sur la responsabilité pénale des professionnels, vendredi 16 mars 2012, Université Montesquieu Bordeaux IV.
(2) Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.
(3) Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux.
(4) Voltaire, Épigrammes, 1670.
(5) Article 226-13 du Code pénal.
(6) Article 226-14 du Code pénal.
(7) Article L. 4112-6 du Code de la santé publique.
(8) Conseil d'Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 7 octobre 2009, n° 298522.






Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © James Steidl - Fotolia.com

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